Une chose est sûre: Medellin n’a pas gagné sa réputation de ville la plus dangereuse au monde dans un Kinder surprise! Si aujourd’hui le climat est apaisé, les années 80, 90 et même 2000 ont été marquées par une violence sans égale. Et dans le classement macabre des quartiers les plus sanglants de la ville, la Comuna 13 remportait la palme d’or.
La Comuna 13, quartier le plus violent du monde
C’est sa géographie qui explique cela: perchée sur tout en haut des montagnes qui encerclent Medellin, la Comuna 13 faisait office de forteresse: alors que les forces de l’ordre n’y accédaient que difficilement, la vue panoramique sur la ville qu’offrent la plupart des rues du quartier donnait le pouvoir aux délinquants de guetter l’arrivée de leurs ennemis. Leur fuite était de surcroît facilitée par la présence de l’autoroute San Jeronimo, située à quelques pâtés de maison seulement.
La Comuna 13,
un joyeux mélange de
guerrilla, narcos et paramilitaires
La Comuna 13 a donc toujours été un lieu éminemment stratégique pour tous les partisans de l’illégalité. A la mort de Pablo Escobar dans les années 1990, tous les acteurs de la violence se livrèrent une guerre sans merci pour contrôler ce territoire: la guerrilla d’extrême-gauche, qui y voyait un point de chute idéal depuis les montagnes environnantes où elle était terrée; les paramilitaires d’extrême-droite, qui pouvaient facilement cacher leurs armes et recruter des gamins des rues; et enfin les trafiquants de drogue organisés en combos et prêts à tuer tous ceux qui entravaient leur chemin. Ajoutez à cela que chacun de ses 3 groupes était divisé en plusieurs clans ennemis et vous aurez une idée du terrifiant terreau de violence qu’était la Comuna 13 à l’époque.
Les crimes et les règlements de compte étaient tellement nombreux que les corps finissaient parfois entassés dans l’église du quartier à défaut d’être jetés dans la rivière ou abandonnés en bord de route. Entre les tirs de balle, les cris des personnes torturées et les lamentations des familles venant de perdre un ou plusieurs proche(s), la quiétude n’était pas vraiment de mise.
Le pire dans tout ça, c’est que les habitants de la Comuna 13 étaient bloqués sur place car aucun moyen de transport ne les reliaient au centre-ville. Le quartier s’était peu à peu transformé en véritable ghetto. La violence était telle qu’un déplacement massif de population s’est organisé et le quartier a été vidé d’une bonne partie de ses habitants.
Renouveau & développement
de la Comuna 13
Au début des années 2000, la mairie de Medellin a décidé de mettre un terme à ces décennies de violence en adoptant une approche sociale et en investissant dans ce territoire laissé aux mains des hors-la-loi.
Les délinquants ont rendus leurs armes en échange d’opportunités professionnelles, le quartier a été relié au reste de la ville et doté d’infrastructures propices au développement. Les réalisations les plus spectaculaires sont la bibliothèque, digne des plus belles revues d’architectures; le funiculaire, qui relie le centre-ville à la Comuna 13 en un rien de temps; et les escalators, qui permettent aux habitants de ce quartier bâti à flanc de montagne de se déplacer beaucoup plus facilement. Parce qu’il faut savoir que les côtes sont extrêmement pentues: le trajet qui dure désormais 6 minutes en escalators durait plus d’une demi-heure à pied (et en montée)!
Une nouvelle identité grâce à la culture
Le changement le plus frappant reste néanmoins celui de l’état d’esprit des habitants de la Comuna 13; aujourd’hui, les jeunes s’expriment à travers les graffitis colorés qui égayent les murs du quartier ou encore dans le hip-hop. La Casa Kolacho, un centre social et culturel, donne tout un panel d’opportunités aux enfants et adolescents du coin pour qu’eux aussi participent à la réinvention de l’identité de leur quartier.
La Comuna 13 aujourd’hui:
tranquillité & allégresse
Aujourd’hui, il est difficile de s’imaginer que la terrible histoire de la Comuna 13 est bien réelle. Il y a quelques années encore, on trouvait au sol des tâches de sang, des balles perdues, des bris de verre – et souvent même des corps inanimés gisant ça et là. Désormais, les plantes effacent ce souvenir. Les pots de fleurs qui ornent les balcons sont parfaitement entretenus, le linge qui sèche est sagement aligné devant les fenêtres, les chiens du quartier jouent tranquillement dans la rue. Les maisons sont parées de couleur vives, l’allégresse a remplacé la terreur, la vie a pris le dessus sur la mort.
Le passé morbide de la Comuna 13 paraît bien loin, et le quartier est devenu un passage obligé pour les touristes, accueillis à bras ouverts par les différents employés de la mairie en veste rouge (tous issus du quartier, bien entendu), les vendeurs d’empanadas et la petite dame qui vend des glaces à la mangue recouvertes de citron et de sel.
Ce qui m’a sans doute le plus frappé, c’est la propreté des lieux: on sent que les riverains song fiers et concernés par les infrastructures installées par le gouvernement et qu’ils en prennent le plus grand soin. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec nos quartiers défavorisés en France… Comme quoi et contrairement à ce beaucoup pensent, nous avons beaucoup à apprendre des pays « en voie de développement » (mon dieu que je déteste cette expression!).
En voyant les photos, est-ce que vous auriez deviné que le quartier avait un passé si violent?
12 comments
J’adore tes articles colombiens, qui révèlent l’autre côté des clichés. Merci !
Oh ça me fait vraiment plaisir! Ne t’inquiète pas, il y a beaucoup d’articles colombiens qui vont suivre :)
Wow ! Tes photos sont superbes !
Et ton article est également très intéressant, j’en ai appris pas mal. C’est vrai qu’en lisant Medellin, j’ai pensé Cartel… La faute à Narcos! Haha
En tout cas je découvre ton blog et j’adore, je reviendrai ! ;)
Merci beaucoup! Haha c’est normal, malheureusement c’est ça qui a rendu Medellin célèbre :( Je trouve d’ailleurs que Narcos a pas mal édulcoré l’histoire, tout est raconté si vite qu’on ne prend pas la mesure de l’horreur de l’histoire. Enfin je dis ça parce que j’ai regardé la série colombienne Pablo Escobar, el patrón del mal où la même histoire est racontée en plus de 100 épisodes au lieu de 10 donc forcément ils vont beaucoup plus en détails et rentrent vraiment dans la psychologie des personnages. Si le thème t’intéresse je te la recommande vivement!
Cet article est tellement intéressant et m’a immédiatement fait penser à un quartier coloré d’Haiti. J’aime que tu contres les clichés et que tu les expliques. C’est un bel exemple de reconversion.
Je vois ce que tu veux dire, personnellement ça m’a fait penser aux favelas de Rio, j’ai l’impression que les quartiers les plus défavorisés dans les grandes villes d’Amérique centrale/du Sud sont tous construits sur le même modèle.
Et les clichés sont faits pour être contrés :)
Que tes photos sont belles, je me retrouve plongée dans ce quartier, encore sublimé par tes prises de vues colorées, fleuries et poétiques… J’ai l’impression de refaire le voyage. Un grand merci aussi pour les explications si claires!
Merci Florence <3
bonjour, nous allons partir pour la Colombie dans un mois. je suis un peu perdu, tenté de voir toutes les villes, la belle Carthagène, Medellin, Bogota, les musées, les villages de charme, je suis photographe, j’aime les gens, l’art, la musique.Je voudrais trouver une idée en dehors des sentiers battus, m’appuyer sur un point de vue spécial, différent pour faire un reportage intéressant..vous me paraissez bien placé pour me faire une recommandation. Pourriez vous m’aider? merci. Caroll Gueudet
Bonjour Caroll!
Vous pourriez peut-être creuser du côté du village de Barichara, mais ce qui est sûr c’est que vous serez bien accueillie partout! Ne manquez pas Carthagène, et pourquoi pas le Carnaval de Barranquilla peut-être? Vous aussi auriez de quoi faire à Cali, ville de la salsa! Je vous invite à lire mon article sur les itinéraires conseillés en Colombie, il met en lumière différentes régions et pourra peut-être vous aider: http://lecocotierdore.com/itineraires-voyage-colombie-guide-pratique-2/
Bons préparatifs :)
Bonjour Pauline, merci pour ces deux articles, je les avais lu avant d’aller fin 2017 à Médellin, c’était une bonne entrée en matière pour moi :) J’ai pris quelques bonnes adresses aussi, notamment le rooftop du charlee, ou le café cliché c’était top ! Je suis allé à Guatapé grâce aussi pour voir la vue du haut du penol :)
Comme je repars dans 1 semaine, je flâne et je retombe sur ce 2e article. Les images sont top, bien contrastées !
Mais …..quelques petites corrections :)
Comuna 13, c’est San Javier une des 16 communes de MDE. Elle est dans le centro occidental, a l’extrême ouest du centre de medellin, pas au sud :) Tu as du prendre le plan de la ville ou celui du wiki colombien, qui présente l’est en haut et le nord en bas :) Jamais compris pourquoi il ne mettait pas le nord en haut sur la carte.
L’autoroute à côté c’est San Jeronimo(-Médellin) parce qu’elle fait le lien entre les 2 villes. Il n’y a pas d’autoroute « San Javier ».
Il n’y a pas de funiculaire à Médellin, mais il y a bien plusieurs télécabines ( POMA d’ailleurs, c’est Français ) dont 2 lignes au départ de San Javier qu’ils appellent Metrocable. Et il ne faut surtout pas leur parler de Favela :) c’est brésilien, et pour eux, c’est pire.
Après il y a la violence, qui était au top sous Escobar ( jusqu’à 6500 homicides en 1991 ), ca n’est pas non plus Neuilly. 602 homicides à Médellin en 2018 ( 2,2 millions d’habitants ) contre 660 pour toute la France !
En janvier 2019 par exemple, déjà 4 meurtres uniquement à C13-San Javier.
Bonjour Roberto,
Effectivement il s’agit de l’autoroute de San Jeronimo, petite faute d’inattention puisque je parlais du district San Javier :)