La Sierra Nevada est un parc naturel fait d’une végétation dense, de rivières et de montagnes si hautes que leurs sommets sont enneigés toute l’année, malgré le fait qu’elles soient situées au bord de la mer des Caraïbes. Notre excursion là-bas n’a pas été une mince affaire. Depuis Palomino, j’avais contacté une agence d’éco-tourisme avec laquelle j’avais déjà été dans la Sierra Nevada quelques années auparavant, mais elle ne proposait pas d’excursion permettant de s’enfoncer plus loin dans la montagne, de rencontrer plus d’indigènes.
La Sierra Nevada, trésor naturel et anthropologique
La Sierra Nevada est un espace naturel protégé et il est formellement déconseillé de s’y rendre sans guide: non seulement vous pourriez facilement vous perdre, mais surtout vous ne pourriez pas entrer en contact avec les indigènes qui peuplent ses montagnes. Autrefois installés dans le Parc Tayrona, les tribus Kogui, Arhuacos et Wiwa ont dû se retrancher dans les montagnes de la Sierra Nevada afin de conserver leur mode de vie ancestral et éviter les interactions avec les touristes.
Aujourd’hui encore, ces tribus refusent l’influence du monde moderne et voient d’un mauvais œil l’arrivée des touristes sur leurs terres. Si vous voulez vous rendre dans un villages, il vous faudra trouver un guide qui connaît les indigènes et qui a une bonne relation avec eux, afin que ces derniers vous laissent pénétrer chez eux.
Calitxo, le meilleur guide de la Sierra Nevada
Un matin, un petit homme à la peau matte et fatiguée s’avancer vers nous. Il s’installe à notre table sans dire un mot, enlève son sac à bandoulière et en sort une pochette verte. Intriguées, nous le regardons faire. Il ouvre la pochette et nous présente un à un ses 7 diplômes – en tourisme, en service client, en éco-tourisme, etc. Nous ne savons toujours pas ce qu’il veut quand il étale sous nos yeux deux articles de journaux soigneusement plastifiés. « Là, dit-il, regardez. C’est mon nom, Calitxo, qui apparaît ici. Cela fait 45 ans que j’arpente la Sierra Nevada, j’en connais tous les recoins. J’ai guidé des milliers de touristes. Quelques journalistes, aussi. » Ce vieil homme transpire d’amour pour sa région et ses habitants.
Visiter un village indigène de la Sierra Nevada
il nous explique que les indigènes de la Sierra Nevada sont nomades: ils vont de village en village et on ne peut jamais être assurés qu’ils seront là où on aimerait qu’ils soient. De plus, la plupart vit à des heures voire des jours de marche de Palomino, reclus entre les montagnes. Ils souhaitent à tout prix éviter d’être contaminés par le mode de vie occidental et moderne des villes colombiennes, et c’est un désir que nous nous devons de respecter. Calitxo propose tout de même de nous emmener dans un village Kogui où les enfants vont à l’école.
Rendez-vous est donc pris le lendemain. Chaussé de ses plus belles bottes de pluie, Calitxo nous rejoint à 8h pétantes, accompagné de Jésus et de deux motos. Nous prenons la route et empruntons très vite les chemins rocheux de la Sierra Nevada. Après un parcours haut en couleurs, nous laissons les motos et continuons à pied. Nous traversons un fleuve et ne tardons pas à apercevoir les premiers toits de chaume. « A partir de maintenant, rangez vos appareils photos et ne les ressortez que quand je vous le dirais », nous ordonne Cali. Nous nous exécutons et patientons aux portes du village, le temps que Cali parle avec le chef du village.
Rencontre avec les Koguis
Quelques minutes plus tard, nous recevons l’autorisation d’entrer et de prendre des photos. Nous nous dirigeons naturellement vers la salle de classe, où les élèves sont sagement assis alors que l’instituteur semble vaquer à d’autres occupations. Les enfants sont intimidés et murmurent quelques phrases entre eux dans leur langue, entre deux fous rires nerveux. A l’évidence, ils ne sont pas habitués à la présence d’étrangers. Nous nous efforçons de détendre l’atmosphère, ce qui marche assez facilement.
Après un long moment à échanger avec les enfants, Cali nous fait signe de le suivre. Nous traversons le village en écoutant ses explications: là, la maison où les hommes se réunissent pour rendre justice. Ici, celle des femmes. Dans toutes les chaumières, le feu central qui réchauffe et permet de cuisiner.






Le fleuve sacré
Nous sortons du village par un petit chemin en pente. Cali nous explique que nous allons voir la rivière, sacrée pour les indigènes au même titre que toutes les ressources naturelles (à noter qu’ils se baignent quand même dans cette eau). Nous croisons une famille en contrebas qui n’a pas l’air d’accord pour que nous passions, Cali lui remet 2000 pesos et lui explique que le chef du village nous a donné son accord. Nous poursuivons donc notre chemin, tentant tant bien que mal de nous frayer un passage parmi les plantations de coca, d’ananas et de bananes.
Lorsque nous parvenons au fleuve, Cali se transforme. Il se débarrasse de ses vêtements, saute dans l’eau et devient tout à coup un vrai gamin. Malgré ses 60 ans, il est d’une incroyable agilité quand il s’agit de se faufiler entre les roches mouillés. Il nous dit de le suivre jusqu’au « tobogan », une roche escarpée qu’il inonde afin que nous glissions plus facilement.
Une aventure digne du livre de la jungle
Après plusieurs descentes rocambolesques, il est temps de remonter un peu le cours du fleuve. Cali veut sans cesse aller plus loin et il saute de roche en roche avec une facilité déconcertante. Nous avons plus de mal à le suivre, mais il est toujours là pour nous aider, n’hésitant pas à tester toutes les positions possibles pour que nous atterrissions sur son dos et que le saut soit moins dangereux. Son corps est frêle, il n’a presque plus de dents, mais le contact prolongé de la nature lui a donné une vitalité déconcertante.
Nous traversons le fleuve en funambule sur un petit tronc d’arbre rongé par les fourmis rouges, nous accrochons à des lianes, redescendons le fleuve en nous laissant emporter par des rapides. Un moment d’aventure vraiment privilégié puisque nous étions seuls au monde au milieu de cette nature opaque, parfois hostile – les centaines de piqûres avec lesquelles nous rentrons en seront témoins. Heureusement, Cali est là pour nous appliquer son huile de coco vierge et même nous rincer et nous sécher les pieds avec son t-shirt avant de remettre nos chaussures pour que l’on reprenne la route. On ne se refait pas…
Pour contacter Calitxo: + 57 313 583 3288
18 comments
C’est exceptionnel!
En même temps, quand on y va, on les « pollue » à notre contact, donc tant mieux si c’est rare! On se contentera de ces belles images! Merci!
C’est vrai, j’admire énormément les peuples qui résistent à la modernité et mettent la nature au cœur de la vie. Ils ont déjà perdu Tayrona, espérons qu’ils n’aient pas à se déplacer plus loin!
J’ai adoré cet article. Je trouve toujours incroyable qu’il existe encore ce type d’endroits préservés dans le monde. Tu as beaucoup de chance d’avoir pu y aller.
Merci Laure! Oui, moi aussi les peuples indigènes me fascinent – je rêve d’aller en Papouasie Nouvelle Guinée où l’expérience doit elle aussi être saisissante…
Wow quelle expérience hors du commun vous avez vécu ! Merci de l’avoir partagée avec nous et tes photos sont magnifiques
Merci Aurélie! Je file voir ton dernier article sur Singapour :D
C’est vraiment magnifique !
Merci :)
Bonjour pauline,
J’ai beaucoup aime ton récit, j’avais déjà été à Palomino et j’étais moi aussi restée a l Hostel la Finca Escondida, mais je n’ai pas eu la chance de faire cette rencontre :)
Je retourne a Cartagena pour la mariage d’une amie et j’y reste une dizaine de jours. Je me suis dit que ce serait l’occasion de vivre ce genre d’expérience…
Pourrais-tu me donner plus de précisions sur la durée de cette journée et le tarif ?
Je te remercie !
Bonjour Andrea!
Je ne me souviens plus du tout du tarif mais c’était vraiment très très raisonnable! En fait, ça dépend beaucoup de la période à laquelle tu y es (s’il y a beaucoup de demande ou pas), du nombre de personnes qui font l’excursion (j’étais juste avec une copine). Nous étions partis vers 8h et nous étions rentrées vers 15h il me semble, mais en fait ton guide s’adaptera au temps que tu as à accorder à l’excursion. Nous ne voulions pas aller dans les villages les plus proches, mais nous n’avions pas non plus le temps de partir plusieurs jours donc Calitxo nous a conseillé le village dans lequel il nous a emmenées et c’était juste parfait!
Coucou Pauline,
Tout d’abord je dois dire que j’adore ton blog, il est vraiment top, tu donnes de super idées et bons plans. Et comme je pars en Colombie mi-février, c’est vraiment chouette ! Il donne vraiment envie d’y aller. Merci !
Aurais tu les coordonnées de Calitxo ? J’aimerai beaucoup vivre cette expérience, ça semble tellement unique !! Quelle chance !
Bonjour Justine et merci beaucoup, ton commentaire me fait très plaisir!
Si tu regardes bien j’ai mis le numéro de téléphone de Cali en bas à droite de l’article :)
Bon voyage, tu vas adorer la Colombie!
Bonjour Pauline.
Je te remercie beaucoup pour le récit de tes voyages et tes superbes photos qui m’ont inspirés pour l’organisation de mon voyage en Colombie. J’ai découvert la finca Barlovento et ai réservé deux nuits mi février. Malheureusement, le parc Tayrona sera fermé :( . (comme lorsque tu y étais d’ailleurs). Il me semble que tu n’en as finalement pas souffert, tant le site des Naranjos est beau. J’envisage aussi de visiter Palomino. Est-ce que Calitxo t’a fait visité le village Seiviaka et la rivière Mamaisi? Si non, te souviens-tu du nom de la rivière? Elle est vraiment splendide avec ses gros rochers.
Bonne continuation. Merci.
Bonjour Déborah et merci pour ton commentaire :)
J’ai déjà été au Parc Tayrona il y a plusieurs années mais quand je suis retournée dans la région je n’avais simplement pas envie d’y aller à nouveau… ce qui veut dire que tu ne vas rien rater de spécial! Les plages y sont très belles, certes, mais ce n’est pas ça qui manque aux alentours et surtout elles sont moins bondées qu’à Tayrona :)
Le site des Naranjos, de quoi parles-tu? Je n’en ai jamais entendu parler pour être honnête!
Enfin pour répondre à ta question je n’ai aucune idée du noms des endroits où nous a emmenées Calitxo (il ne les a même pas mentionnés) mais de toute façon dans la Sierra Nevada la nature est semblable à beaucoup d’endroits, et c’est magnifique donc tu verras toi aussi ce genre de paysage n’importe où que tu ailles ;)
Bon voyage!
Salut! Merci pour ton article. Avec ma copine nous etions a Palomino il y a quelques semaines et grace a ton blog nous avons pu contacter calixto. Nous sommes allés visiter je pense ce meme village au dessus de Rio ancho. Nous avons marché plus de 2h depuis la route ppur arriver au village! C’était une super experience! inoubliable. Donc merci a toi pour ces précieuses infos. Pour le prix , voyageant depuis 6 mois en amerique latine on a trouvé ca assez cher pour une sortie qui ne demande pas bcp de moyens. (Calixto nous a demandé 150 000 pesos par personne. Nous étions que tous les 2. Un peu moins de 50 euros. On s’attendait a bcp moins. Apres on va trop se plaindre. Calixto est très pro et connait très bien ces populations indigenes. Les tours proposés par les « agences »de palomino vont apparement ds un village tres proches qui n’est plus tres authentique. Avec Calixto vous etes surs de sortir des sentiers battus!!!
C’est une experience incroyable! ;-)
Salut Vincent, ravi que ça t’ait plu :)
Je ne me souviens plus de ce que j’avais payé mais il faut savoir que dans le prix une partie va pour la communauté indigène, afin qu’ils achètent des fournitures scolaires aux enfants par exemple. C’est une dépense qu’on ne voit pas forcément mais qui est bien là. Effectivement c’est un peu cher, mais je pense que ça les vaut totalement car comme dirait mon père le prix s’oublie, la qualité reste ;)
Bonjour !
Merci pour ton site, c’est super cool d’avoir de bonnes adresses et des conseils de voyage ! Ta rencontre avec les peuples indigènes m’a énormément plu et partant dans les caraïbes en septembre, je souhaiterais connaître la même expérience. J ai essayé de contacter ton guide mais sans résultat….par hasard, aurais tu encore contact avec lui ou connaitrais tu d autres personnes aptes à nous faire visiter un peuple indigene ? Merci beaucoup ☺
Bonjour Maeliss,
Effectivement, il passe beaucoup de temps dans la Sierra et n’est donc pas très joignable. Je ne suis plus en contact avec lui mais tu devrais trouver facilement des guides qui partent pour la Sierra depuis Palomino.
Bon voyage!